Dans l'obscurité, je traverse les mers.
Avec peine, je traverse les terres.
Mais il est un vaisseau, aujourd'hui,
Qui ne verra plus ce qui dans le ciel luit...
Je marche, à travers les déserts, les marais et les forêts stériles. Et là, comme un géant endormi se dresse devant moi la silhouette décapitée d'un pic énorme surgissant du sol. Et dans le ventre du Cyclope, creusé depuis des millénaires par les vers de la folie, gît un navire, couché sur le flanc tribord.
Je touche le bois, mais il n'a plus aujourd'hui que l'aspect fossilisé d'un Ancien oublié à début des temps. Par les hublots, dansant à la lueur tremblotante d'un démon à jamais immolé qui hurle au pouvoir des sirènes, les âmes pétrifiées semblent se mouvoir dans un ballet atroce qui ravirait le plus vertueux des maudits. Certains manipulent encore avec ferveur les canons colossaux acrochés aux bastingages ; d'autres s'y accrochent, comme pour résister à une explosion qui a déjà vu des dizaines de pieux d'infortune arrachés à la coque et plantés dans les corps mutilés de son équipage.
A la poupe du navire, les bras du capitaine sont encore accrochés à la barre, mais la capitaine ne semble pas avoir eu autant de volonté que ses membres. Les lambeaux de chairs arrachée flottent aux vents pestilentiels qui dansent eux aussi dans la caverne, et apportent le murmure d'une ancienne bataille...
Le navire voguait, ou volait au-dessus du Puits. Algarade était fièrement gravée à l'acide dans la coque de bois sombre. Tous les canons chauffés au rouge crachaient leur oeuvre incandescente sur les démons volant autour du bâtiment. Au sol, Pan et ses troupes avançaient, rapides comme un troupeau mené par la foudre elle-même.
Orias, le Lion de mon Maître était là, menant ses Légions en soutien. majesteux cavalier chevauchant un dragons aux airs de cheval, il abattait, implacable, ses armes démoniaques sur ses ennemis. Les serpent mordaient, griffaient, insinuant leur venin dans les veines des pauvres assaillants.
Et, bien sûr, Pan faillit. Il retourna, apeuré comme l'infirme qu'il est, vers son maître, le Déchu Izual.
L'Algarade, lui, eu le courage d'attendre la fin avant de tomber à moitié en miettes et de dériver sur plusieurs lieues démoniaques pour enfin s'échouer, pétrifié par le Pouvoir du Grand Baal dans la posture exacte qu'il avait lors de sa défaite finale...
Il est toujours là, symbole éternel de la faiblesse de nos adversaires. j'aime regarder ce spectacle, et imaginer la souffrance que ressentent, aujourd'hui encore, l'équipage deux fois maudit de ce navire en ruine...